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Le numérique: un terreau fertile à labourer pour la transformation durable de la mobilité

Cet interview d'Antoine CHEVRE met en lumière les opportunités offertes par le numérique pour améliorer la mobilité urbaine durable en Afrique, tout en soulignant les défis de mise en œuvre. Il met en avant l'impact des technologies numériques sur la transformation des transports dans les villes africaines, en mettant l'accent sur des initiatives telles que l'utilisation du paiement mobile, la cartographie des réseaux de transport artisanal via des smartphones, et la mise à disposition des données de transport en open source. L'interview souligne également l'importance de la collaboration et de la normalisation des données (format GTFS) pour garantir leur interopérabilité et faciliter le développement d'applications. Enfin, elle aborde les défis majeurs, notamment la mise à jour des données et la standardisation dans un contexte de transport artisanal non planifié, tout en soulignant l'importance de divers moyens de transport pour améliorer la mobilité urbaine durable en Afrique.

Les opportunités du numérique pour la mobilité urbaine durable en Afrique sont à la fois nombreuses et difficiles à mettre en œuvre

Au cours des dernières décennies, l’avènement du numérique a permis de favoriser le déploiement de nouvelles solutions de mobilité à travers le monde, et plus récemment dans les villes africaines, afin d’améliorer les conditions de mobilité des citoyens.

Des technologies numériques comme le paiement mobile qui est une véritable innovation en Afrique offre des opportunités pour accélérer le développement des villes africaines en sautant des étapes technologiques (leapfrogging) pour se positionner à l’avant-garde de la transformation numérique des transports. Les villes africaines se démarquent également par des pratiques qui sont réinventées à grand renfort de capital risque dans d’autres parties du monde. C’est le cas des taxis partagés qui est une pratique courante dans plusieurs villes africaines et se réinventent en occident avec Uberpool par exemple, qui propose de partager des taxis pour économiser.


"Le numérique est un levier majeur à plusieurs titres. Pour mieux connaître le secteur du transport artisanal, pour le formaliser et pour mieux le réguler et pouvoir gérer la multitude d’opérateurs pour la puissance publique.", déclare Antoine CHEVRE, spécialiste de la Division transport de l’AFD.

Le numérique permet d’avoir une meilleure connaissance de l’offre de transport, et particulièrement en ce qui concerne le transport artisanal qui se qui se définit par opposition aux exploitants de bus structurés et représente l’écrasante majorité de l’offre de transport dans les villes d’Afrique Subsaharienne. Ceci est rendu possible à travers la cartographie des réseaux de transport artisanal au moyen de smartphones et en utilisant des solutions open source. De telles initiatives ont été disséminées à travers les villes africaines, à l’instar de Digital Matatu à Nairobi, Accra Mobile au Ghana ou TransportforCairo en Egypte.

La mise à disposition en mode ouvert des données transports non seulement auprès des décideurs mais aussi auprès des usagers, contribue à une meilleure régulation des systèmes existants et la planification des nouveaux modes. Une autre vertu du numérique étant de pouvoir s’adapter aux besoins de chacun.

Toutefois, les données ne sont pas une finalité, car elles, seule, ne suffisent pas pour transformer le secteur du transport artisanal en Afrique. D’après le World Resource Institute, au moins 105 millions de personnes vivant dans les villes africaines ne disposent pas d’informations fiables sur leurs systèmes de transit. Il importe donc d’explorer les différents leviers de valorisation de la donnée transport.



DigitalTransport4Africa (DT4A), un début de réponse au partage et à l’exploitation de la donnée transport

L’initiative DT4A est née dans le but de mettre en réseau l’ensemble des acteurs engagés dans l’application du numérique aux objectifs d’amélioration de la  mobilité. Elle s’inscrit dans une approche appelée « beyond mapping » qui vise donc à explorer les différentes solutions se basant sur les données pour transformer le secteur du transport artisanal.

Dans ce cadre, DT4A a lancé un “Défi de l’innovation”, afin d’identifier et de financer des microprojets utilisant chacun un levier différent. Parmi ceux-ci, on peut citer : ewarren à Abidjan, une fintech qui aborde la formalisation du secteur et des données via le paiement mobile, addis map qui vise à développer une application voyageur en utilisant la technologie open source ; Trufi ; go metro en Afrique du sud qui produit un jeu de données sur le réseau de Stellenbosch pour étudier la faisabilité d’un passage à l’électro mobilité, Khartoum map qui vise à créer un jeu de données initiales.


"Nous avons voulu à travers cette initiative poser les bases d’une culture de la donnée transport en Afrique en faisant la promotion de l’ouverture des données et de leur standardisation au format GTFS pour assurer l’interopérabilité.", précise Antoine.

DT4A est un acteur engagé dans la construction de biens communs numériques tels que OpenStreetMap en ce qui concerne les données géographiques utiles à la cartographie des itinéraires et des arrêts. Cependant, au-delà de la dimension géographique, l’information sur les services de transport intègre le niveau de service (fréquence, vitesse commerciale, etc.). Dans ce sens, le standard GTFS (General Transit Feed System) joue un rôle crucial en ce sens qu’il s’agit d’un format de données standardisées. Il permet ainsi d’avoir des données interopérables, qui soient accessibles et facilement compréhensibles de tous, favorisant de ce fait le développement d’applicatifs.

En outre, dans un contexte où la plupart des collectivités locales africaines n’a pas aujourd’hui les moyens techniques et financiers de créer et d’entretenir cette infrastructure de données au format GTFS, DT4A œuvre également à l’internalisation des compétences. Notamment, à travers le partage de connaissances et le renforcement des capacités sur la cartographie des réseaux entre autres. DT4A fournit aussi des solutions d’hébergement (GitLab) pour le stockage de jeu de données et le partage d’un centre de ressources.


Il n’y a en effet pas de réel business model pour l’information voyageur

Du point de vue des défis majeurs, deux écueils principaux se dégagent. Tout d’abord, celui de l’actualisation des données. En effet, il est souvent facile de mobiliser un budget pour réaliser le recueil initial mais il est beaucoup plus difficile de mobiliser des moyens techniques, humains et financiers récurrent pour mettre à jour ces données.

D’un autre côté, dans un contexte de transport artisanal, par définition non planifié dans le détail, la question de la standardisation des données au format GTFS se pose dans la mesure où il est difficile d’arriver au niveau de granularité attendu d’un jeu de données GTFS. D’autant plus que ceux-ci sont censés être produits par des exploitants de transports professionnels et imposent que chaque bus qui circule soit identifié dans le temps et l’espace tout au long de l’année. Au mieux, il est possible de disposer des itinéraires avec des arrêts et une fréquence avec distinction heure de pointe / heure creuse.

Néanmoins, dans un contexte de villes africaines avec une croissance rapide, le transport artisanal représente un atout majeur qui associé à d’autres moyens de mass transit, tels que le BRT ou le Tramway, permettrait de réduire considérablement les difficultés de mobilité. Ajouté à cela, et grâce au numérique, le développement des services de transport à la demande pour compléter le réseau de mobilité. De telles actions contribueraient à la réduction de l’usage de la voiture individuelle, tout en favorisant une mobilité urbaine durable.



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