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Faire la ville ensemble : co-construire la ville africaine par l'apprentissage

Stéphanie Wattrelos Rutily, Insaf Ben Othmane

La tendance mondiale à l'urbanisation s'accélère, avec plus de la moitié de la population mondiale vivant en ville, une proportion qui devrait atteindre 70 % d'ici 2050. Cependant, 90 % de cette croissance se produit en Asie et en Afrique, avec 75 % concentrée dans les villes intermédiaires de moins d'un million d'habitants. Les gouvernements africains sont confrontés à d'énormes défis pour améliorer les conditions de vie et répondre aux besoins des nouveaux citadins. L'urbanisme participatif représente un changement de paradigme qui appelle à des arrangements coopératifs où les habitants et les acteurs de la ville participent au processus de planification, de conception et de gestion. Le Campus AFD, Oecumene Spaces For Dignity et Africa Innovation Network ont co-construit « Faire La Ville Ensemble » pour soutenir les acteurs de la ville dans la prise de conscience des changements de paradigme nécessaires. La structure pédagogique numérique alterne entre apprentissage en ligne et temps collaboratifs dans un atelier numérique, fondée sur des principes pédagogiques innovants.

Nous vivons dans un monde en rupture, où tout change, tout s'accélère, tout devient plus complexe, plus fragile et incertain. La planète s'urbanise à un rythme sans précédent.

Déjà, plus de la moitié de la population mondiale vit en ville ; cette proportion atteindra 70 % d'ici 2050. Toutefois, bien que cette tendance soit mondiale, elle n'est pas uniforme : 90 % de la croissance urbaine mondiale se produit en Asie et en Afrique, avec des caractéristiques variées d'un pays à l'autre en termes de vitesse, d'échelle, de structure du tissu urbain et de couverture territoriale ; la croissance urbaine se déroule dans des mégapoles, mais 75 % de cette croissance se produit et continuera de se produire dans les villes intermédiaires de moins d'un million d'habitants.



Les gouvernements africains, tant nationaux que locaux, sont confrontés à d'immenses défis pour améliorer les conditions de vie de leurs habitants et répondre aux besoins des nouveaux citadins. L'ampleur, la force et la vitesse de ces changements nous obligent à agir rapidement, à réinventer nos façons de penser et de vivre dans le monde, et surtout à replacer les habitants et les utilisateurs au cœur de la construction des villes et des territoires.



« L'urbanisme participatif est un paradigme de planification qui appelle à des arrangements coopératifs dans lesquels les habitants et les acteurs de la ville sont impliqués dans le processus de planification, de conception et de gestion. Il promeut le dialogue ouvert et la collaboration fructueuse entre les parties prenantes : habitants, utilisateurs, experts, décideurs et investisseurs, permettant de renforcer la cohésion sociale et une meilleure gestion des ressources avec un engagement toujours plus grand des communautés, des institutions locales et des acteurs locaux. Cependant, l'urbanisme participatif n'est pas intuitif. Il nécessite un fort engagement des maîtres d'ouvrage et, par conséquent, des élus locaux ainsi que la participation d'une vaste gamme d'acteurs prêts à s'investir. Il requiert un investissement important en temps et en ressources, une méthodologie structurée et des efforts ciblés pour assurer le succès. Qui dit urbanisme participatif dit participation. De nouvelles compétences doivent être acquises pour mobiliser et fédérer les acteurs locaux, collaborer et co-construire. » Insaf Ben Othmane Hamrouni, Fondatrice et Directrice exécutive, Œcumene Spaces For Dignity.

La construction de la ville, en Afrique comme dans le monde, ne peut plus se faire sans les habitants, les utilisateurs, les acteurs économiques, les associations, les experts et les opérateurs. Cela doit être présent à toutes les étapes du projet (de sa conception à sa mise en œuvre).



Ce changement de paradigme dans la manière de penser l'urbanisme et cette reconfiguration des rôles impliquent de nouveaux « modes de faire » : « faire avec » et, surtout, « faire ensemble ». Le continent africain bénéficie de certains atouts, tels que :

  • La puissance de l'innovation africaine combinant à la fois l'esprit du jugaad (faire mieux ou aussi bien avec moins de ressources) et le leapfrogging (capacité à faire un bond qualitatif) ;

  • Une culture du collectif et de la fabrication informelle de la ville (une culture de l'apprentissage communautaire) ;

  • L'émergence des communs urbains, qui prennent la forme de « lieux, publics ou privés, partagés par les habitants qui développent des usages pluriels, impliquant ainsi une multitude d'acteurs différents dans une gouvernance ouverte et mobilisant les ressources variées du territoire, matérielles et immatérielles, pour des usages destinés à différents cercles d'utilisateurs » (Françoise et al., 2022).




Ces communs urbains se concrétisent de manière plus tangible par le développement de tiers-lieux culturels, de terrains de sport, de jardins partagés, de Fab labs, d'espaces de marché et de communautés d'apprentissage.

En Afrique, des initiatives d'urbanisme participatif ont émergé dans le processus de fabrication du tissu urbain et prennent des formes multiples, telles que l'urbanisme tactique, l'urbanisme éphémère, l'urbanisme temporaire, l'urbanisme transitoire, etc.

Véritable levier de transformation des territoires par la co-construction, le partage, la participation et l'innovation, l'urbanisme participatif offre de nombreuses opportunités pour construire des territoires plus inclusifs, résilients et durables, répondant aux besoins de leurs habitants. Pour Luc Gnacadja, la gestion et la gouvernance urbaine doivent se hisser à la hauteur des défis. Le premier facteur requis est le leadership et la qualité managériale des acteurs clés de la gouvernance publique.



« Nous ne sommes pas équipés pour sortir de nos schémas mentaux et inventer de nouvelles manières de faire ; nous devons collectivement apprendre à libérer nos imaginaires et à nous affranchir de nos préjugés, à penser systématiquement et à connecter plutôt que séparer. Il ne s'agit pas d'éclipser le savoir-faire technique, mais de renforcer la capacité à identifier, mobiliser et synergiser les initiatives sur le terrain pour activer des collaborations qui mettent en valeur l'intelligence collective et partagent la connaissance, la créativité et la co-construction de solutions propres à chaque territoire. Et cela doit être appris, vécu et expérimenté plutôt que décrété. » Stéphanie Wattrelos Rutily, Urbaniste, chargée de projets pédagogiques, Campus AFD.

La ville africaine durable doit être plus inclusive, libérant la créativité de chacun pour construire des solutions durables. Pour relever le défi de la ville pour tous et soutenir les acteurs de la ville dans la sensibilisation aux changements de paradigme nécessaires, le Campus AFD, Oecumene Spaces For Dignity et Africa Innovation Network ont co-construit, avec et pour ces acteurs, « Faire La Ville Ensemble » un nouveau parcours d'apprentissage immersif et collaboratif. Ses objectifs : comprendre les dynamiques complexes à l'œuvre dans les territoires urbains ; identifier les notions de participation et co-définir ensemble les concepts clés pour une participation ouverte et partagée en Afrique ; sensibiliser et initier les acteurs de la ville en Afrique aux approches et outils pour co-construire des projets urbains en s'appuyant sur l'intelligence collective et la créativité.





Cette formation vise à transformer les postures et à accompagner le changement pour passer du rôle traditionnel de chef de projet à celui de facilitateur au sein de son territoire.



« Ce que je retiens de mon parcours sur “Faire la ville ensemble”, ce sont ces moments intenses qui ponctuent les différentes phases de mise en œuvre de la participation comme outil essentiel à la fabrication de la ville. Cet exercice complexe et instructif nous a permis, en tant que participants, de faire face aux défis de nos villes, notamment en Afrique, où l'anarchie, la précarité et l'absence de planification stratégique en constituent le trait central. Mais à mesure que nous apprenions ces méthodes de participation, nous avons réalisé qu'il est possible de rêver de villes africaines inclusives et durables qui se construisent différemment, avec de nouvelles approches impliquant les différents acteurs dans la création d'une vision partagée de leur ville. Cela permet aux autres parties prenantes de planifier ensemble et de travailler vers un objectif commun. Ces méthodes bénéficient à l'Agence d'urbanisme du Grand Tunis, qui intervient principalement pour assister les autorités locales dans l'élaboration de leurs outils d'urbanisme, constituant une opportunité de mettre ces approches en pratique. » Jihene Ghiloufi Dahmeni, Ingénieur, Directrice de la gestion de l'information urbaine, Tunisie.

La structure pédagogique numérique « Faire la Ville Ensemble », co-construite avec les acteurs locaux, alternera apprentissage en ligne et temps collaboratifs dans un atelier numérique, en s'appuyant sur des principes pédagogiques innovants, à savoir :

  • Conçue comme un commun numérique, la plateforme « Faire la Ville Ensemble » propose du contenu éducatif dynamique et interactif (expériences de terrain, vidéos, infographies, boîtes à outils, quiz...) à découvrir à son propre rythme et en autonomie ;

  • Et pour explorer, inventer, se mettre à la place de… et apprendre par le jeu, l'intelligence collective et la créativité, des ateliers numériques collaboratifs ponctuent tout le parcours pour ceux qui disposent de plus de temps.


Plus qu'une simple formation, « Faire la Ville Ensemble » est une véritable expérience d'apprentissage qui s'appuie sur l'innovation, l'intelligence collective et la puissance du partage d'expériences. C'est avant tout une communauté d'acteurs de la ville engagés dans la volonté de replacer l'humain au cœur de la construction de la ville.



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